Lyle Daren O'Flaherty

Je préfère ne rien répondre, prenant cela comme une espèce de petite provocation personnelle et permanente de sa part. La Poufsouffle passe délicatement des bouts de tissus sur mon visage, désinfectant habilement. Oui, c'est certain qu'elle a des doigts de fée mais pourtant... les histoires d'amour, très peu pour moi! Et comme par hasard, l'infirmière s'absente me laissant seul avec l'autre, bah c'est super réjouissant tout ça! Deux. Ils étaient deux contre moi. Face à une seule personne, il est clair que j'aurais pu avoir l'avantage, mais pas face à deux écervelés qui ne pensent qu'à cogner tout ce qui passe. Combat sans baguette. Je me suis défendu comme j'ai pu, éprouvant tout de même une certaine humilité. Enfin, je peux tout de même afficher un petit sourire, j'ai réussi à casser le nez du principal intéressé. Bon d'accord, devant ce que j'ai pu subir ce n'est pas grand chose, mais j'en suis tout de même vachement fier. Ses mains qui frôlent mon visage ne m'inspirent rien qui vaille, et comme si je cherche à lui faire passer un message, je plonge mes yeux dans les siens.

La réflexion, voilà ce qui me sauver quand je suis sur le point d'exploser. Un 'aie vas-y doucement' et mes yeux se reperdent dans les siens, parvenant à me noyer dans un océan sans frontières. La deuxième question qu'elle a évoquée est bien celle qui me tourmente. Elle est celle qui peut lire en moi comme dans un livre ouvert. Celle qui n'a pas forcément besoin de me regarder pour me comprendre. C'est ridicule à dire, mais parfois je me demande ce que Sélène me trouve. Elle qui est si douce, chaleureuse, élégante, joyeuse. Moi qui suis si solitaire, distant, froid et discret. On peut parfois me voir sourire, mais j'affectionne particulière mon petit côté neutre, quoique quelque peu intriguant. De nombreuses fois elle m'a dit 'je t'aime'. Lui promettre de ne plus lever la main sur qui m'agacera. Lui promettre de ne plus me défendre lorsque la situation s'imposera. Lui promettre de mettre ma vie en permanence, me laissant malmener. Pourtant, vous savez très bien ce que je vais lui répondre, en amour on donnerait tout pour dire amen aux paroles de son aimée.

Nos visages sont déjà bien proches et il me suffit simplement de m'avancer délicatement. Ses yeux expriment la surprise actuelle. Mes lèvres se posent sur les siennes, tandis qu'elle lâche ce qu'elle tient dans les mains. Bientôt, une main maladroite descend jusqu'au bas de son dos et l'autre glisse tendrement sur l'une de ses joues. Elle prend part à ce chaleureux baiser et se recolle lentement à moi. Les contes de fées, non merci, mais quand ça peut m'être positif...

Quelques minutes passent et tout va trop bien. Je sais parfaitement que tout ne tourne pas à mon avantage et pour dire vrai, je ne me trompe que sur très peu de choses. Je donnerais presque mon âme pour faire durer éternellement ce moment. Toujours me reposer sur ses lèvres et ne penser à rien d'autre que nous. Lui laisser le temps de m'expliquer ce qui la chagrine à son tour. Lui laisser le temps de dire ce qu'elle n'a pas osé me dire avant. Je suis toujours sur la table, assis sur le bord, la consolant dans mes bras. S'apprêtant à me parler, elle s'éloigne , en toute logique. Et puis tout bascule si brusquement...

Je sens les doigts de Sélène qui viennent brusquement à mon manteau, tout en me chuchotant de ne rien répondre. Sur le coup, ses beaux yeux, son doux visages et sa douce voix parviennent à me faire plier, me faisant quasiment oublier la présence de l'autre imbécile. Puis je reviens à la réalité et perçois cette main qui se glisse au niveau d'une poche...

Je suis un homme. Je suis fort. Je suis sensible sans le montrer. Les larmes ne peuvent s'empêcher de monter, derrières ses paroles. Elle me parle tellement sereinement, mêlée dans une multitude de gouttes d'eau qui coulent. Afin de ne pas lui montrer ma peine, je plaque sa tête contre mon torse et passe la mienne au dessus de son épaule. Sa main passe dans mes cheveux. La perte d'un être cher entraine tellement de conséquences.

Un dernier baiser sur les lèvres et je me sépare de ses bras, ne la regardant pas forcément dans les yeux. Comme je suis triste. Deux jours. Je préfère mourir plutôt que de la savoir dans cet état. Une phrase, une seule et je m'esquive, lui promettant que l'on se retrouverait le soir même. Je n'ai plus la force de faire quoique ce soit. Taper dans les murs. Crier à tue tête. Est-ce que tout cela aurait réellement un sens? Je veux qu'elle vive. Je veux un avenir avec elle. Je veux encore la voir sourire... une dernière fois.

Je commence à marcher, la laissant totalement en plan, perturbée devant ce que je viens de lui répondre. Une dispute... avec Sélène? Oui, ça doit être ce qu'elle pense.

Elle s'approche de moi et me serre brusquement le cou. Elle ne me lâche pas et étrangement aucune résistance ne vient de moi. Elle me regarde dans les yeux. Yeux d'un bleu ambré. Nos deux corps se collent et il me semble encore une fois qu'elle me tient les bras. Elle est angélique et magnifique, donnant l'impression de sortir d'un droit d'un rêve. De sa voix elle me chuchote 'Je t'aime'.
Un autre univers m'apparait brusquement et je crois qu'il fait froid. J'ai l'impression d'être à part, de ne rien pouvoir faire, pourtant Sélène me parle et elle sourit comme autrefois. Qu'elle est belle dans cette robe bleue et dorée. Qu'elle est belle. L'impression de vide se fait de plus en plus ressentir et quand je rive une seconde fois mes yeux vers elle, elle me dit avec la plus grande peine du monde «Je m'en vais, Lyle.» Non, elle n'a pas le droit de me laisser comme ça! Elle ne peut pas me quitter alors que notre relation évolue positivement de jour en jour. Des scènes de mon passé reviennent, et je revois notre toute première rencontre. Une rencontre qui ne laissait pas présager que nous formerions un couple dans un futur proche. Je la veux elle, et aucune autre. Sélène par pitié, ne me laisse pas là, pas maintenant. Un long tunnel noir se dessine, je ne sais pas où je suis. Je cours, je cours, tentant du mieux que je peux de rattraper cette ombre qui s'éloigne au loin, faisant couler de tendres larmes sur mes joues. Elle part et me laisse partir en guerre ainsi... ce n'est pas humain. Et puis mes jambes s'immobilisent, il m'est maintenant totalement impossible de bouger. Tout redevient noir et rouge. Rouge comme le sang. Un verre vient brutalement se fracasser contre le sol et entraîne un corps lourd avec lui. C'est fini.

Des sueurs perlent sur mon front et j'ouvre dangereusement les yeux. Ces images que je viens de voir. Ces souvenirs qui me hantent beaucoup trop. Cette fille qui ne sera bientôt plus mienne, s'abandonnant au paradis. Si je dois vivre avec autant de mal-être, autant partir avec elle. Parfois, les jeunes se disent qu'ils ont trouvé la perle rare, celle qui pourra combler leur vie. Et pourtant, quelques mois plus tard, on les retrouve en pleine déprime, disant qu'ils sont de nouveaux célibataires. Mais moi, je suis certain que cette perle rare m'était vraiment destinée. Ce n'était pas une fille qui m'aurait suivi une nuit... mais bien une femme qui aurait fait ma vie. La sueur coule tout au long de mon visage et laisse présager une soudaine migraine. Des vertiges. Trop de choses en quelques heures. Trop de nouvelles qui font que je me sens flancher. Tant mieux, après tout, est-ce que ce n'est pas ce que je cherche au plus profond de moi? Soudain, je me souviens de la discussion partagée avec Harmonie. Le fait que Sélène paraissait triste. La victoire de Gryffondor au Quidditch et... la fête?! J'ai oublié de prévenir ma Poufsouffle! Me hâtant ( et espérant que le temps ne me retarde plus trop), je cours en direction des escaliers de la salle commune quand soudain...

Mes yeux s'illuminent, elle est plus ravissante que jamais. Pendant un instant, je crois m'être replongé dans cet étrange rêve qui pourtant me parait maintenant vraiment familier. Cette robe bleue et la dernière qu'elle enfilera avant de me quitter. Je la regarde, la fixant, intriguée par toute cette mise en scène. C'est donc Harmonie qui l'aura prévenue pour la fête. Dans un sens ce n'est pas si mal. Si c'était moi qui lui avait demandé, peut-être n'aurait-elle pas voulu venir... Qui sait? De son visage, elle me questionne, sachant pourtant pourquoi je suis précisément dans cet état. Je ne suis même pas habillé convenablement pour lui faire face, quelle honte. Pas de costume. Dans la précipitation, j'ai oublié de me mettre en costume. Le pire ne vient pas de là. Les perles de sueur tombent toujours et c'est ce qui l'inquiète.